L’intervention chirurgicale consistant à greffer 2 flotteurs d’Astus 16 sur la coque de l’Iskio 595 s’est bien déroulée. Les points de sutures sont posés mais avant de crier victoire, il va falloir replonger le monocoque dans son environnement liquide naturel et voir s’il n’y a pas de phénomène de rejet après cette double greffe de flotteurs.
Je vais enfin découvrir ce que donne cet étrange mariage contre-nature qui ne manquera pas de hérisser les cheveux sur la tête des puristes, qu’ils soient mono ou multicoquistes.
D’un côté, je me dis que ça doit forcément marcher car le bateau est léger et convenablement toilé. D’un autre côté, je me dis qu’il doit bien y avoir un hic quelque part sinon l’on verrait plein de monocoques à flotteurs (ou de trimarans à coque centrale extra large si vous préférez) pour profiter de l’habitabilité des monos et de la légèreté des multi…
Pour pouvoir tirer un maximum d’enseignements de ce test, je suis accompagné sur l’eau par Jean-Claude et son nouvel Astus 20.1.
Ces 2 bateaux ont déjà navigué bord à bord lorsque l’Iskio était encore un monocoque et il s’était même payé le luxe de se montrer légèrement plus rapide, au prix, il est vrai, d’un travail « tonique » de l’équipage pour contrôler son assiette.
A terre, les 2 compères affichent leurs différences.
L’Astus 20 domine de sa coque profonde et de son rouf généreux la coque plate et flush deck de l’Iskio.
Seuls leurs flotteurs arborant la ligne rouge caractéristique du chantier Astusboats leur donne un vague air de parenté.
Sur l’eau, le vent est encore timide en cette fin de matinée. A peine 3 ou 4 noeuds … ce qui est suffisant pour animer nos montures qui tracent leur bonhomme de chemin.
L’Iskio prend une légère gîte et vient se caler sur son flotteur sous le vent.
Le bateau reste très équilibré et je peux sommairement caler la barre avec son stick pour partir de longues minutes m’affairer en pied de mât ou prendre des photos. Quelle différence par rapport au comportement fougueux du bateau avant sa greffe de flotteurs !
Côté vitesse, je retrouve avec plaisir la capacité du bateau à démarrer au moindre souffle.
La comparaison avec l’Astus 20.1 est, pour l’instant, impossible. Condamné à garder son foc enroulé à cause du remplacement inopportun de l’émerillon de l’emmagasineur par un mousqueton largable, Jean-Claude dégaine aussi sec son gennaker rouge et s’envole devant.
Impossible de le suivre avec l’Iskio qui reste cantonné à sa voilure de près presque 2 fois moins grande.
Fair-play, Jean-Claude s’arrête pour remettre l’accastillage d’origine et pouvoir utiliser son foc. L’opération nécessite un démâtage … qui sera réalisé sur l’eau, accroché à un corps mort. Vive la stabilité des trimarans !
Nous voilà repartis à armes égales… et le verdict tombe, implacable. L’Astus 20.1 est maintenant légèrement plus rapide, qu’elle que soit l’allure, y compris au près.
La traînée du flotteur sous le vent ampute la vitesse de quelques dixièmes de nœuds, rien d’anormal à cela et rien de bien méchant. Me voilà revenu à un niveau de vitesse équivalent au Magnum 21 standard, la référence, reconnu comme étant un trimaran aux performances tout à fait honnêtes.
Une permutation des barreurs sur l’eau ne changera rien aux conclusions.
Dès que le vent dépasse force 1, le bateau se cale franchement sur un flotteur, décollant le second bien au dessus de l’eau, aileron compris.
Côté sensation, c’est assez inhabituel. Le mutant profite à la fois de la stabilité de sa coque centrale et de son flotteur sous le vent. Le long stick télescopique permet, en plus, d’accroitre le couple de rappel en s’installant confortablement sur le trampoline au vent.
Voilà qui promet de jolis runs dans la brise…
Pour l’heure, dans le tout petit temps, l’Astus 20.1 se montre plus vivant : il transforme avec aisance chaque petite risée en accélération notable, accompagnée d’un petit coup de gîte propice à réveiller l’instinct de régatier qui sommeille en chaque barreur.
Côté cockpit, l’espace offert par celui de l’Iskio est royal pour le solitaire … et parfait pour les équipages nombreux.
Nous récupérons des équipiers de tous âges pour le pique-nique et profitons ensuite de la brise établie à 2 Beaufort pour enchaîner quelques longues glissades au portant.
Cette fois, le monocoque s’en sort mieux qu’au près en faisant jeu égal avec le trimaran. C’est le monde à l’envers !
A moins que ce soit Loana, accrochée à la barre comme un rameur de sa Polynésie natale à sa pagaie, qui se révèle plus fine barreuse que son tonton.
Il faut dire, aussi, que l’absence de bôme et de rail d’écoute brident significativement le rendement de la grand-voile au près. Idem pour les points de tire de l’écoute de foc qui restent à régler.
Il reste manifestement des mises au point à affiner et le monocoque transfuge n’a probablement pas dit son dernier mot …