Un bateau de croisière, c’est cher et ça ne sert pas beaucoup !
Une marée mal calée, la météo pas sympa, un équipier qui fait faux bond, l’anniversaire surprise de la tante Adèle, une petite réparation, ou un gros coup de flemme, … Elles ne manquent pas les bonnes excuses pour reporter une virée sur l’eau à la fois suivante.
Au final, rares sont ceux qui arrivent à profiter de leur voilier une dizaine de week-ends dans l’année, plus quelques semaines l’été.
Alors, quand le ou la comptable de la maison fait le bilan en fin d’année des frais d’achat, d’équipement et d’entretien, en le divisant le total par le nombre de jours d’utilisation, le ou la chef(e) du bord risque d’avoir du mal à justifier la facturation des quelques nuits passées au fond d’une cabine exiguë, au prix d’un palace 5 étoiles…
Pas étonnant que les candidats à l’achat de croiseurs aient trouvé des solutions financièrement plus raisonnables : achat en copropriété, gestion/location, time sharing,… Quand ils n’abandonnent pas tout simplement leur rêve de naviguer sur leur propre bateau, en se contentant de louer celui des autres.
Circulez, y’a rien à voir !
Regardons maintenant du côté des petites unités : ces dayboats, et autres voiliers transportables, capables de s’offrir des escapades terrestres et aquatiques.
La question de l’achat y est à la fois plus simple et plus compliqué…
Plus simple car le budget investi est, bien évidemment, très inférieur à celui d’un croiseur.
On évite assez souvent de s’endetter avec un crédit.
Les frais d’entretien sont mineurs, et l’accastillage à remplacer n’occasionnera pas de trou béant dans le portefeuille.
Plus compliqué par contre, car les offres de copropriété, de gestion/location ou même, de location tout court, sont quasi inexistantes.
En gros : « tu veux naviguer sur un petit voilier ? Tu te l’achètes et tu te débrouilles tout seul, comme tout le monde ! »
M’enfin !..
Y’a pas de raison qu’on fasse comme les grands, d’abord !
Je dirais même qu’il y a plein de bonnes raisons pour envisager la copropriété sur un petit voilier.
Je passerai rapidement sur la formule la plus connue, qui consiste à diviser le coût d’acquisition, et les frais annexes (assurance, équipement, entretien,…), entre les copropriétaires, pour me concentrer sur d’autres arguments, propres aux voiliers transportables.
Covoiturage
L’un des grands intérêts, à mes yeux, du voilier transportable en copropriété, c’est la possibilité d’organiser facilement des navigations « one way » (dans un seul sens).
Faire un périple en « aller simple » est doublement intéressant :
- on va deux fois plus loin (donc on voit deux fois plus de choses)
- on évite de refaire la même route dans l’autre sens, quelques jours après l’avoir déjà faite.
Et en cerise sur le gâteau, on s’épargne, par la même occasion, la contrainte parfois stressante de devoir absolument arriver à un endroit précis, à une date précise.
Le principe est simple :
- Je pars en vacances une semaine en croisière côtière avec le bateau, sans jamais me soucier de l’endroit où j’arriverai au bout de cette semaine.
- A la fin de mon périple, j’appelle mon collègue copropriétaire pour lui indiquer où j’ai atterri.
- Il me rejoint en voiture, avec son équipage, et je récupère la voiture pour rapatrier mes affaires et mon équipage à la maison.
- Le collègue passe sa semaine de vacances à faire le trajet dans l’autre sens.
- A la fin de son séjour, je le récupère avec le bateau et son équipage, à l’endroit où il est parvenu.
Selon le contexte, la formule peut connaître des variantes.
Au bout du monde
Lorsque la destination est lointaine (Corse, Croatie, Suède, …), la relève d’équipage peut se faire par avion, pour limiter les frais de ferry, et la pénibilité d’un long voyage en voiture.
On peut également imaginer des équipages se relayant pour réaliser tout le tour d’un continent, chacun réalisant une partie du périple.
Formule demi week-end
Pour ceux qui ne peuvent, ou ne veulent pas partir un week-end complet, un premier équipage peut mettre le bateau à l’eau et partir le vendredi en fin de journée.
Le second équipage prend la relève le samedi en fin de journée, toujours à l’endroit d’atterrissage du premier équipage, et ressort le bateau le dimanche en fin de journée (avec cette fois, la contrainte de revenir à l’endroit où est garée la voiture et la remorque).
Camp de base
Pour ceux qui prennent 3 ou 4 semaines de vacances consécutives, un bon plan consiste à louer quelque chose à terre (maison, gîte, bungalow, …).
Pendant qu’un équipage navigue, l’autre occupe le pied à terre. Tous les 3 à 5 jours, l’équipage « à terre » vient en voiture relever l’équipage « à l’eau », à l’endroit où il se trouve.
C’est une excellente formule pour ne pas imposer à l’équipage un trop long séjour hors des normes de confort habituelles, tout en réalisant un joli périple à la voile (en se débrouillant bien, les équipages parcourent au retour les morceaux du périple réalisés par l’autre équipage à l’aller).
A l’inverse, cela permet de pimenter des vacances « farniente » par quelques escapades aventureuses plus « sportives ».
Et quand on est dans des coins fabuleux comme la Corse, on peut ainsi découvrir à la fois le littoral, et les montagnes à l’intérieur des terres.
Enfin, une telle formule permet d’éviter de gâcher ses vacances nautiques en cas de météo désastreuse, avec la garantie d’avoir un pied à terre confortable, quitte à y entasser un peu les deux équipages, le temps que la tempête passe.
La retraite par répartition
Un duo de copropriétaires, constitué d’un actif et d’un retraité, permet d’envisager, à la belle saison, que « l’heureux traité » cabote tranquille durant la semaine, puis qu’il se fasse relever le week-end par le soit-disant « actif ».
Le premier profite régulièrement d’une « escale confort » méritée, qui lui permet de gérer son courrier et sa lessive, et de retrouver ses proches.
L’autre s’évade chaque week-end, tout aussi mérité, en naviguant dans des coins différents à chaque fois, et sans avoir besoin de transporter/mater/mettre à l’eau deux fois durant le week-end.
Et pour les deux, c’est le plaisir de voyager, au lieu de rester cantonné sur quelques milles autour de son port d’attache.
Tout nouveau tout beau
Puisque l’on sait que l’on ne se servira pas de son bateau plus de la moitié du temps (voir la liste des bonnes excuses au début de l’article…), pourquoi ne pas en profiter pour se faire plaisir en s’offrant, à deux, le dernier petit bijou tout neuf qui nous fait tant saliver, pour le prix d’un voilier d’occasion acheté tout seul.
Il y a bien sûr le plaisir indescriptible de naviguer sur un voilier neuf, avec des voiles encore craquantes, et un accastillage nickel.
Mais surtout, c’est la possibilité de profiter tout de suite des dernières innovations en terme de conception (coque, gréement, aménagement, …).
Un bateau offert pour un bateau acheté
Plutôt qu’être 2 ou 3 à s’acheter chacun son bateau, on peut aussi imaginer s’acheter en commun 2 ou 3 bateaux différents, afin de varier les plaisirs :
- un voile-aviron « traditionnel », pour participer aux grands rassemblements.
- un sport-boat tonique, pour faire le plein de sensations.
- un gros croiseur côtier transportable, pour partir en vacances avec tout le confort.
On profite de différentes possibilités de navigation, chacune ayant son charme, tout en restant certain de disposer d’un voilier libre à tout moment.
Et le jour où on en a marre, chacun peut repartir avec « son » bateau. Na !
Une danseuse dans chaque port
Et que dites vous d’un groupe de propriétaires possédant les mêmes bateaux, chacun étant prêt à larguer les amarres d’un corps mort ou d’un port, dans des endroits différents.
Le week-end venu, un jeu des chaises musicales permet à chacun de naviguer dans différentes zones, sans devoir bouger son bateau.
Y’a plus qu’à…
On voit que les idées (plus ou moins farfelues) de copropriétés de petits voiliers ne manquent pas.
Cette liste, non exhaustive, ne cherche par à dresser un tableau idyllique qui cacherait les difficultés probables qui attendent les candidats à la copropriété : les sources de conflit ou de désaccord ne manqueront pas.
Pour les éviter, ou tout du moins les limiter, la confiance, l’équilibre juste, la communication, la compatibilité des contraintes et des envies, l’art du compromis, sont des conditions qu’il faudra vraisemblablement savoir instaurer.