Notre société est de plus en plus réglementée, et l’espace maritime n’échappe pas à cette tendance.
Soucieuses de se protéger en cas d’accident, les municipalités sont encouragées à réglementer l’utilisation de la bande côtière des 300 mètres qui est de leur responsabilité.
Les arrêtés et balisages fleurissent plus nombreux chaque année.

Loin de moi l’idée et l’envie de débattre sur le bien fondé de ces décisions, en regard des abus malheureusement constatés ces dernières années, qu’il s’agisse d’accidents dramatiques ou, au contraire, de procès abusifs…

L’objet de cet article est plutôt de partager les informations que j’ai pu glaner suite à l’expérience (mal)vécue le week-end dernier.

Touche pas à ma plage !

Lors de mes randonnées nautiques, la plupart du temps, la cohabitation est bonne avec les autres utilisateurs des plages où nous nous arrêtons.
Il faut dire que je fais attention, dans la mesure du possible, à ne pas gêner les autres.
Dans le cas contraire, je vais discuter avec eux pour voir si la gène occasionnée est supportable. C’est l’occasion d’échanges, et parfois d’entraide utile, comme pour ce randonneur pédestre croisé ce weekend, et qui avait oublié de prendre de l’eau à boire pour son gamin.

Malgré tout, ce même week-end, sur les 3 plages où nous avons stationné, à chaque fois, nous avons eu affaire à des protestations plus ou moins agressives de la part des quelques personnes installées là.

Sur la première, peu fréquentée, nous sommes venus mouiller à un mètre du bord, à un endroit où personne d’autre n’était installé sur une bonne cinquantaine de mètres.
Pour moi, il s’agit typiquement d’un accostage ne dérangeant personne, et que je m’autorise donc, sans aucune retenue.
Mais visiblement, il n’est pas nécessaire de déranger quelqu’un, pour que cette personne vienne quand même râler…

 

La deuxième plage, au fond d’une jolie crique d’une réserve naturelle, était déserte lorsque nous avons accosté en fin de journée.

C’est donc le lendemain que nous avons eu le plaisir de faire la connaissance d’une deuxième  personne énervée.
Comment aurait-il réagi si c’était moi qui était arrivé après lui sur cette plage, et que je le somme de déguerpir sur la plage d’à côté, parce que je le trouvais trop bruyant ou trop encombrant ?…

Sur la troisième plage, pleine de monde, nous sommes restés mouillés à bonne distance (à l’extrémité de la plage, à une trentaine de mètres du rivage, et par 5 à 6 mètres de fond environ).
A cette distance de la plage, et compte tenu de la présence de nombreuses méduses, seuls 2 nageurs se sont approchés de nous. Et bien la moitié d’entre eux a quand même rouspété…

Mais qu’est ce qui pouvait bien rendre ces gens si virulents et si agressifs ce week-end là ?

Je crois que l’objet déclencheur de ces litiges était mouillé un peu plus au large, sous forme de petites bouées jaunes alignées devant les dites plages…

Pour les uns, ces marques interdisaient purement et simplement la présence de toute embarcation dans la zone supposée réservée à l’usage exclusif des baigneurs, tandis que pour les autres, elles signifiaient uniquement qu’il était interdit de venir avec un bateau à moteur, mais qu’un accès à la rame ou à la voile était autorisé.

J’avais eu l’occasion, il y a quelques années, de discuter avec les gardes de ce parc naturel, qui m’avaient indiqué que la seconde option était la bonne. Mais là, aucune autorité, ni panneau à l’horizon, pour nous aider à trancher le débat.

Que dit la réglementation ?

On entend, et on lit de tout, sur la signification du balisage utilisé le long du rivage. Il n’est pas facile de s’y retrouver.
Y compris pour les vacanciers étrangers qui représentaient les 2/3 des contestataires du week-end, et de loin, les plus affirmatifs et les plus agressifs…

Alors voici une synthèse de ce que j’ai réussi à trouver sur les sites officiels.

Bouées jaunes

Le balisage des rivages est réalisé à l’aide de bouées de couleur jaune.
On en trouve de 3 types et de tailles variables : rondes, cylindriques et coniques.

 

Bande des 300 mètres

Les grosses bouées rondes (diamètre d’au moins 80 cm) que l’on trouve espacées de 200 mètres les unes des autres, indiquent la limite des 300 mètres du rivage.

Cette limite ne doit pas être franchie par les engins de plage comme par exemple, un matelas gonflable ou un canot pneumatique de petite taille (moins de 2m50).

Par contre, un voilier, ou un bateau à moteur, est autorisé à circuler dans cette bande des 300 mètres, à la condition expresse que sa vitesse soit inférieure à 5 nœuds.

Il existe cependant des cas de réglementation locale qui peuvent interdire la circulation dans cette bande des 300 mètres, même à une vitesse inférieure à 5 nœuds.
C’est le cas, par exemple, des jetskis interdits dans la bande des 300 mètres sur le littoral méditerranéen français, lorsqu’un tel balisage est matérialisé par la présence de ces bouées.

Nous verrons également plus loin qu’il existe d’autres bouées rondes et jaunes dont la signification est différente.

 

Chenal traversier

Pour les bouées cylindriques et coniques, c’est facile. Elles délimitent exclusivement le bord des chenaux permettant d’accéder à la berge.
Les deux bouées marquant l’entrée du chenal sont de dimensions supérieures à celles des bouées suivantes.

Cylindriques à bâbord et coniques à tribord (en venant du large), elles sont mouillées de plus en plus près les unes des autres, au fur et à mesure que l’on s’approche du rivage.

Contrairement à ce que la plupart des gens pensent, un chenal d’accès n’oblige pas les embarcations nautiques à l’emprunter pour accéder au rivage. La présence d’un tel chenal ne leur interdit pas, non plus, de pénétrer dans les zones adjacentes.

On a vu précédemment que l’on pouvait circuler, à moins de 5 nœuds, dans la zone des 300 mètres même lorsqu’elle était délimitée par un balisage de grosses bouées rondes espacées de 200 mètres. La présence d’un chenal ne remet pas en cause cette autorisation.

Par contre, il est unanimement conseillé d’emprunter le chenal traversier, lorsqu’il existe, et cela pour plusieurs raisons :

  • d’une part, les baigneurs sont, pour la plupart, convaincus qu’étant donné la présence du chenal, vous n’avez pas l’autorisation de circuler dans « leur zone ». Ils ne feront pas attention à vous, et peuvent débouler sur vous à grand coup de palme, sans crier gare. Ils auront également tendance à vous houspiller plus ou moins copieusement, persuadés que vous êtes en infraction…
  • d’autre part, il est possible qu’un arrêté municipal ou préfectoral ait déclaré que la zone des 300 mètres, à cet endroit là, était interdite purement et simplement à la circulation des bateaux.
  • Et enfin, le chenal balisé vous aide à éviter tout accident regrettable avec un baigneur.

Car il faut bien comprendre que le chenal est avant tout une autorisation pour les bateaux, et une interdiction pour les baigneurs :

  • Autorisation, dans certains cas, de dépasser la vitesse de 5 nœuds pour ceux qui tirent un skieur nautique ou un parachute ascensionnel (dans ce cas, en Méditerranée, le chenal de vitesse est encadré par 2 couloirs « tampon » de 30 mètres de large, où la baignade, la navigation et le mouillage sont interdits).
  • Interdiction d’y nager.

Signalons une exception notable à cette règle de libre circulation dans la zone matériellement balisée des 300 mètres : sur le littoral Méditerranéen français, les planches à voile (et les jetskis) ne sont pas autorisées à circuler dans ces zones en dehors des chenaux prévus pour.

 

L’usage de ces chenaux peut être limité à certains types d’embarcation. Dans ce cas, une indication peut figurer sur les bouées qui marquent l’entrée du chenal, mais ce n’est pas systématique.

A noter qu’il est interdit de rester stationné dans un chenal, que ce soit mouillé à l’ancre, ou beaché sur la plage.

Moralité, vous devez beacher dans les zones adjacentes, celles que la plupart des personnes pensent réservées exclusivement à la baignade… Et il vous faudra parfois des talents de diplomate pour le faire accepter à certains (attention cependant aux arrêtés municipaux ou préfectoraux spécifiques pour certains endroits).

 

Zones réglementées

A l’intérieur de la bande délimité des 300 mètres, on peut trouver des zones réglementées soumises à des interdictions supplémentaires.

Elles sont délimitées par des bouées… Jaunes et rondes. A ne pas confondre, donc, avec les bouées délimitant la bande des 300 mètres.
Celles entourant les zones réglementées sont de taille plus petite et plus rapprochées les unes des autres.

ZURB et ZIEM

Voyons maintenant quelles interdictions sévissent dans ces zones.

Il peut s’agir d’une zone réservée exclusivement aux baigneurs. Dans ce cas, interdiction d’y pénétrer avec un bateau, ni de venir y beacher le soir.
Il est fréquent que les bouées délimitant ces ZURB (Zone Uniquement Réservées à la Baignade) soient reliées entre elles par un cordage flottant. Dans ce cas, le message est clair : demi-tour.

 Idem s’il s’agit d’une ligne d’eau à base de petits flotteurs qui, dans ce cas, peuvent être de couleurs diverses (blancs ou rouges notamment).

 

Il peut aussi s’agir d’une ZIEM (Zone Interdite aux Engins à Moteur). Dans ce cas, on peut continuer d’y circuler avec un engin à voile, à pédales ou à rames (à moins de 5 nœuds because moins de 300 mètres du bord) et y beacher.

La difficulté, là encore, va être de faire accepter votre présence aux autres usagers de la zone, qui sont persuadés que vous n’y êtes pas autorisé… C’est ce qui nous est arrivé ce week-end, malgré le dessin d’une hélice barrée sur chacune des bouées jaunes, et qui indiquait clairement qu’il s’agissait bien d’une ZIEM.

L’arrêté préfectoral

D’autres zones peuvent également être réglementées spécifiquement :

  • zone réservée aux véliplanchistes, ou aux surfeurs.
  • zone interdite au mouillage.
  • zone de mouillage propre (vos toilettes du bord ne doivent rien rejeter dans l’eau du mouillage).

Entre les marques pas toujours explicites, et les spécificités locales, comment s’y retrouver ?

C’est un arrêté municipal qui propose un règlement local spécifique, et c’est la préfecture maritime de la région qui valide officiellement l’arrêté.

Pour savoir sans ambiguïté si vous avez le droit, ou pas, d’être à l’intérieur d’une zone balisée, il faut donc éplucher les arrêtés préfectoraux en vigueur.
Pour cela, rendez vous sur le site de la préfecture maritime dont dépend votre zone de navigation.

Notez le numéro et la date de l’arrêté et imprimez la carte en annexe du document. Cela pourra vous économiser de la salive lorsqu’un râleur tentera de vous déloger de ladite plage.

La ZIEM en question

Les Zones Interdites aux Engins à Moteur sont destinées à protéger les baigneurs des risques de blessures par les hélices des moteurs. Mais contrairement à une Zone Uniquement Réservée au Baigneurs, l’endroit peut être également utilisé par les kayaks, les annexes à rames, les planches à voile (sauf méditerranée…), ou les dériveurs de plage, qui souhaitent accoster à cet endroit.

Reste que nos dayboats randonneurs représentent un casse-tête juridique. Disposant d’un moteur hors-bord, sont-ils considérés comme un dériveur, ou comme un engin à moteur, même si le bateau navigue à la voile ou à la rame, avec son moteur relevé hors de l’eau ?

Pour en avoir discuté avec un garde de parc naturel, et d’après la rumeur, il semblerait qu’un voilier stationné à l’intérieur d’une ZIEM puisse être verbalisé par la seule présence de son hors-bord, même si celui-ci n’a pas été utilisé !

C’est ce qui est confirmé par cet extrait d’un texte officiel applicable sur le littoral méditerranéen français :  » le terme « motorisé » appliqué à un navire, une embarcation ou un engin, signifie que ce dernier est équipé d’un moteur de propulsion quel que soit son type et sa puissance, qu’il soit utilisé ou non« .

Voilà un sérieux coup porté à la présomption d’innocence… et à l’accès à de jolies plages. Celles que nous avons fréquentées ce weekend nous étaient donc autorisées… A condition que nous laissions nos moteurs à l’entrée !

Pour éviter tout problème, le garde du parc consulté m’avait conseillé de retirer le moteur de sa chaise, et de le laisser (caché ?) dans la cabine, ou dans un coffre.
Voilà qui promet de remettre au goût du jour l’usage de la godille, ou de l’aviron, et le remplacement de nos moteurs thermiques par des moteurs électriques, dont la légèreté et la propreté conviendront parfaitement aux séjours momentanés en cabine, en fonction de la réglementation des zones accostées.

 

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