Le corridor d’Ugljan et Pasma

Le corridor d’Ugljan et Pasma

This entry is part 8 of 9 in the series La Croatie et Venise en Astus 20

17ème jour

Après les 85 milles nautiques parcourus la veille au soir… par la route, nous nous apprêtons à entamer la deuxième partie de notre périple croate.

Comme pour marquer le coup, le soleil est de retour. A peine troublés par le passage de quelques tracteurs sur notre chemin de pierre, nous en profitons pour transvaser les vêtements propres et les réserves de nourriture qui étaient stockés dans la voiture et son coffre de toit.

Après avoir contourné Zadar par l’est, nous voilà à la marina Borik (1). Pas de cale de mise à l’eau. Le grutage à 80 euros et le parking voiture et remorque à 80 ku/jour (10 euros !) nous dissuade de chercher à appareiller d’ici.

Mon copain Laurent m’avait parlé quelque temps auparavant d’une marina à Zadar où il avait laissé sa voiture et sa remorque pour 100 ku/semaine (13 euros)… cela devait être ailleurs.

Nous revenons un kilomètre vers Zadar, jusqu’à la marina Vitrenjak (2). Cette grande marina moderne accueille un immense et superbe yacht-club regorgeant de trophées.

Là non plus, pas de slip de mise à l’eau hormis une descente flottante en bois réservée aux dériveurs légers du club.

Très gentiment, on m’indique l’existence d’une cale à quelques kilomètres de là, tout en me remettant un plan.

A l’eau

Après quelques kilomètres, nous découvrons l’endroit qui suffit à notre bonheur. Un simple chemin de terre et de pierres qui se termine au fond d’un minuscule port-abri, avec de la place pour préparer le bateau.

En prenant garde de ne pas y faire tomber une roue, quelques manœuvres savantes s’imposent afin de suivre l’énorme ornière qui serpente au milieu de la « cale » et bientôt, notre Astus 20 est de nouveau à flot.

Bien qu’il y ait la place pour rester garé là, j’évite d’occuper ces précieuses places et m’en vais stationner à quelques centaines de mètres de là, sur un emplacement en terre (4) le long d’une route.
La remorque est cadenassée à la voiture mais, contrairement à la France, j’ai le sentiment qu’ici, on peut laisser sa voiture et sa remorque sans crainte plusieurs semaines.

Sentier côtier

Midi. Nous voilà sur l’eau en train de remonter au près avec un 5o5 de compétition. Par un sympathique force 3, il a dû sortir son équipier au trapèze pour prendre la tête de la régate.

Tandis qu’il rebrousse chemin, satisfait de sa première place, nous taillons droit sur Ugljan, l’île en face. Passés au vent arrière, on s’amuse à longer sa côte à une trentaine de mètres à peine.

Il faut dire que la côte nord de l’île est très sympa. Une forêt magnifique, mêlant les oliviers avec les pins et les cyprès, descend jusqu’à la mer. Des multitudes de petites grèves en galets jalonnent notre route, ainsi que quelques belles propriétés.

Je repère avec envie plusieurs endroits bien protégés qui seraient parfaits pour une escale la nuit… Mais pour l’heure, on en profite pour avancer.
Comme chaque fois que nous appareillons tardivement, on déjeune en naviguant. Tranquillement attablés dans le cockpit, confortablement installés sur nos coussins, nous profitons du spectacle du littoral défilant sous nos yeux.

Cheminant sur notre sentier côtier aquatique, nous découvrons quelques lieux enchanteurs : une majestueuse bâtisse abandonnée qu’on rêverait de pouvoir posséder et restaurer, de minuscules ports tranquilles, des petites plages isolées, une chapelle blottie sous les pins, un joli parc sur un îlot (5) séparé de l’île principale par un lagon turquoise, …

Profitant de cette brise portante, nous faisons un rapide crochet le long de l’îlot Osljak (6) qui semble épargné par le tourisme et où fleure bon la vie paisible.

Flo s’offre une bonne sieste pendant que les filles jouent et moi, à la barre… Je savoure !

Naufrage en direct

Dans la continuité d’Ugljan se trouve l’île de Pasman (7) avec seulement un mince filet d’eau (sur la carte) permettant de se faufiler entre les deux.

Nous embouquons le premier passage et entrons dans une grande baie intérieure (8). Au nord, des corps morts et à l’autre bout, un chenal étroit permettant de ressortir… après avoir passé un pont routier.

Une pancarte indique 16m50 de hauteur. Avec notre tirant d’air de 8m50, on passe largement.
Je fais des ronds dans l’eau en attendant que les 2 bateaux à moteur qui se sont engagés dans l’autre sens, aient dégagé la voie.

Le chenal est orienté au près, je décide sagement de rouler le foc et de démarrer le moteur… au cas où (j’apprendrais plus tard qu’il est interdit de franchir ce chenal à la voile).

Derrière nous, à l’autre bout de la baie, un ferry lance des coups de trompe menaçants. Demande-t-il de l’eau pour passer ? Il est encore loin et je me dis que l’on a largement le temps de franchir les 100 mètres de chenal avant qu’il ne soit là.

Tandis que je m’approche de l’entrée du chenal, un voilier d’une quinzaine de mètres se hâte de me passer devant. Je le suis quelques mètres derrière.

A l’approche du pont, il ralentit. Vu de mon bord, je me dis que c’est vraiment juste pour son mât… Bingo ! Il lui manque 80 cm. Le mât touche, endommageant la canalisation, juste à côté du panneau indicateur des 16m50.

Je mets les gaz et fait prestement demi-tour pour ressortir du chenal en prévision de sa manœuvre en marche arrière. Je mesure, à ce moment là, la force du courant qui cherche à nous expulser d’entre les îles. Il y a facilement 3 ou 4 nœuds de jus.

Je me retourne vers le croiseur et assiste à un spectacle singulier. En quelques secondes, c’est la Berezina à son bord.

Incapable de manœuvrer correctement en marche arrière dans le courant, le voilà qui part en travers et vient percuter le quai par la jupe.
Il tente de repartir en marche avant mais n’a pas la place ni le temps de tourner. Mât contre le pont, il s’en va percuter le quai par l’étrave.

C’est la panique à bord. Une partie de l’équipage, vêtu de leurs seuls maillots de bain, débarque en catastrophe par le balcon avant et se réfugie derrière le pilier du pont. Le bateau continue de percuter le quai avec un bruit douloureux.

Mât bloqué, quille en travers du courant, le voilier prend rapidement une gîte inquiétante. L’eau arrive maintenant au livet et je me dis que, si cela continue, il va finir par se remplir d’eau et couler… C’est aussi ce qu’a dû penser le skipper lorsqu’il a fait débarquer son équipage.

Finalement, cette gîte dangereuse s’avérera être la solution pour se sortir de ce pétrin. Car avec le mât incliné, la hauteur diminue et le bateau finit par passer, en force, entre les poutres du pont. Il faudra encore patienter un moment que le voilier vienne récupérer son équipage avant de pouvoir passer.

Derrière moi, le ferry continue de jouer de la trompe. Est-ce parce qu’il me voit m’engager dans le chenal avec ma grand-voile haute ?

A l’orée du bois

Nous remontons l’île de l’autre côté en tirant des bords jusqu’à une longue baie abritée (9). Le décor n’est pas aussi sympa que l’autre côté de l’île aussi,nous tentons notre chance dans la baie suivante … Défigurée par un immense complexe industriel. Mieux vaut revenir sur nos pas.

Nous finissons par nous arrêter au bord de la forêt, le long de la rive bordée de pierres. Les longues branches des pins apportent une ombre bienvenue.

Trop de cailloux pour espérer venir tout contre la rive. Il faut mettre les pieds dans l’eau pour débarquer.

Je grimpe dans l’immense pin qui surplombe notre trimaran pendant que Flo goûte une baignade méritée.

La voilà bientôt rejointe par les filles qui découvrent nombre d’anémones et de beaux coquillages sous l’eau.

En descendant un peu trop rapidement de mon perchoir l’appareil photo à la main, je m’écrase sur une branche et me fêle légèrement une côte… me voilà contraint de limiter mes efforts jusqu’à la fin des vacances.

Ça tombe bien, ce sont les filles qui s’occupent du repas ce soir : soupe à la tomate rehaussée de morceaux de fromage et de pâtes chinoises. Quand au dessert, toujours aussi original, nous aurons droit à une sorte de purée de tomates froide.

Avant la tombée de la nuit, direction le village à la recherche d’une cabine téléphonique pour prendre des nouvelles de Marilou, notre petite dernière restée en France, privée d’expédition nautique tant qu’elle n’aura pas 3 ans.

On ne trouvera pas de village et encore moins de cabine téléphonique . Juste quelques maisons et la plage de sable encore pleine de monde quelques heures auparavant.

Côté tapage nocturne, victoire des croates braillant de la terre sur les 2 voiliers italiens venus mouiller à couple à proximité pour faire la fête ensemble et dont la chaîne hifi s’essoufflera après 23 heures.

Nous qui pensions être tranquilles dans ce coin de nature perdu… En tout cas, la mer Adriatique, fidèle à son habitude, nous offre un plan d’eau parfaitement calme où aucun mouvement ne laisse deviner que le bateau est à flot.

De Jean-marc Schwartz, janvier 2008

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Cet article a 0 commentaires

  1. Snif! 29 décembre, il pleut et il fait froid… Et je n »ai qu »à fermer les yeux pour tirer des bords dans les criques croates à la barre de mon Astus 20 imaginaire!
    Merci pour ton récit!!!

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